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La désélection, quels critères? Mike
Crump Conférence prononcée lors de
la journée d'études de Poldoc,
Je suis très heureux dassister à ce colloque et de vous parler aujourdhui. Je tiens à vous demander, pourtant, dêtre conscients du fait que je parle au nom dune bibliothèque nationale bibliothèque qui détient, peut-être, des responsabilités bien différentes de celles des bibliothèques universitaires et qui désherbe, sûrement, bien moins de documents et cela selon des critères bien rigoureux. Au Royaume Uni, la question du développement des collections se pose de plus en plus dans le cadre de la co-opération entre bibliothèques. Puisquon y perçoit le désherbage et le développement des collections comme les deux volets du même projet, il est inévitable, je pense, quon percevra le désherbage dans la perspective de la fourniture de documents à léchelle nationale et de moins en moins comme une question quun bibliothèque pourrait régler dans lisolement.
La question du
désherbage provoque
bien de la colère et pourtant, cest un processus qui continue depuis
la fondation du British Museum en 1753 (et donc de sa bibliothèque qui
fait partie maintenant de la British Library). En 1767, le Parlement
britannique a accordé au Conseil du British Museum le droit de vendre
ou déchanger ses doubles, en 1807 le droit de vendre ou déchanger
les objets sans rapport avec ses collections, et en 1878 le droit
de donner ses doubles (à lexclusion des matériaux appartenant à la
bibliothèque du roi George III et des collections Cracherode, Banks
et Grenville et des objets et documents offerts au British Museum).
En 1890, Richard Garnett, alors Conservateur-en-chef des Livres Imprimés
et qui croyait quun seul exemplaire de chaque livre édité suffisait
aux besoins de la Bibliothèque, a profité de la loi de 1878 pour distribuer
les doubles à environ trente-sept bibliothèques. Cette politique, que
propulsait les pressions toujours augmentantes sur lespace disponible
au British Museum, sest maintenue pendant bien des années. En 1900,
le Conseil du British Museum a essayé de transférer à la charge des
divers comtés et municipalités de lAngleterre et de lÉcosse ses tirages
de journaux locaux et de province, ainsi que dautres documents, à lexception
de ceux imprimés avant 1837 et de détruire tous les matériaux sans
valeur, quils soient des doubles ou non, à lexception de ceux imprimés
avant 1660 En cela, le Conseil saccordait à lesprit de lépoque.
Je peux vous dire que lAdvocates Library dÉdinburgh, ancêtre de la
Bibliothèque nationale de lÉcosse, na pas profité de ses droits de
dépôt légal pour revendiquer les journaux régionaux écossais et, pour
cette raison, a légué à la Bibliothèque nationale de lÉcosse une collection
quelque peu appauvriedans ce domaine (ce qui est dautant plus vrai
par rapport à la Newspaper Library de la British Library). Quant au
British Museum, cest la pression sur lespace disponible qui a provoqué,
une fois encore, un règlement de la question des journaux. A cause
de la loi sur le British Museum, pourtant, il fallait à ce règlement
et à ce désir de se débarrasser des journaux un projet de loi:, qui
était présenté au Parlement britannique en 1900. En même temps, pourtant,
une campagne réussit à s'opposer à ce projet de loi . Donc, le British
Museum a acheté un terrain à Hendon (mieux connu sous le nom de Colindale)
dans la banlieue nord de Londres, destiné à servir aux besoins dentreposage
à distance. Cest là, en 1905, que le British Museum a fait construire
un magasin pour les journaux et y a fait transférer ses collections
de journaux britanniques de province. Il na fallu quun peu moins de
vingt ans pour remplir tout lespace disponible dans ce magasin. Alors,
et suite aux recommandations dune Commission royale sur les musées
et galeries nationaux, on a fait construire sur ce même terrain un nouveau
magasin ainsi quune salle de lecture qui sont entrés en service en
1932.
Cest la loi de 1972 qui, ayant créé la British
Library, en définit le statut actuellement
en vigueur.
De toute évidence le désherbage se situe dans le contexte de notre politique dacquisition. Notre volonté de remplir notre mission de conservation du patrimoine documentaire national nous a amené à proposer au gouvernement délargir la législation sur le dépôt légal. Toutefois, cet élargissement entraînera peut-être des aménagements aux modalités de gestion du dépôt légal des imprimés. Nous estimons quil est préférable de poser des critères dacceptation afin déviter davoir à procéder ultérieurement à un désherbage coûteux en frais de personnels affectés à cette tâche et, potentiellement, en publicité négative dans la presse. Une des attaques récentes dont nous avons fait lobjet dans la presse portait justement sur des opérations de désherbage pratiquées dans le cadre de Selection for survival (Sélectionner pour survivre). Des voix se sont élevées pour exprimer leur émoi par rapport à notre désherbage de 70 000 à 80 000 publications officielles dAmérique du Nord. Ce problème trouve son origine dans une gestion mal maîtrisée des accords déchange de publications officielles. La mesure de désherbage concernait en fait des documents qui nauraient pas dû entrer à la British Library. Une meilleure gestion des échanges nous aurait permis déviter et les frais liés au désherbage et la publicité négative qui en a résulté. Ceci ne revient pas à dire que la British Library ne pratique pas la déselection.
Nous avons donc été attaqués pour nous être débarrassés dun ouvrage
reçu au titre du dépôt légal. La personne qui avait prévenu le journaliste
et qui était ainsi à lorigine de cette attaque dans la presse a ensuite
reconnu sêtre trompé: en réalité louvrage en question provenait des
collections de la British Library of Political and Economic Science,
la bibliothèque de la London School of Economics (Université de Londres)
et nullement de la British Library.
Cette personne sest ensuite excusée du bout des lèvres et nous
avons cherché à faire jouer notre droit de réponse dans la presse, mais
sans succès, la presse se désintéressant de la vérité. Si morale de
lhistoire il y a, elle concerne le catalogage et non le désherbage.
En effet si nous navons pas été en mesure dexhiber
immédiatement louvrage en question pour montrer quil était
bien en notre possession, cest quil était victime dun retard de catalogage.
Dans mon pays, comme vous le savez
sans doute, six bibliothèques sont habilitées à recevoir le dépôt légal.
Ce sont la British Library, les bibliothèques nationales dEcosse et
du Pays de Galles, les bibliothèques universitaires dOxford et Cambridge
et, héritage de lhistoire, la bibliothèque du Trinity College de Dublin.
La British Library vise à une collecte exhaustive de toute la production
éditoriale nationale, tandis que les cinq autres bibliothèques pratiquent
une sélection. En outre depuis sa création en 1973 la British Library
est responsable de la bibliographie nationale et donc de lannonce des
documents entrés au titre du dépôt légal. En dépit des proclamations
répétées de la mort du livre quentraînerait lère informatique, la
production éditoriale na cessé de croître. Certaines années ont bien
été marquées par un plafonnement pour repartir ensuite à la hausse.
Entre 1998/99 et 1999/2000 cette croissance a été de lordre de + 13%.
En réponse à cette inflation éditoriale les bibliothèques habilitées
à recevoir le dépôt légal ont développé le catalogage partagé des documents
entrés au titre du dépôt légal et entendent bien poursuivre dans cette
voie. Jy reviendrai ultérieurement. Actuellement le dépôt légal ne
napplique quaux documents imprimés et non aux CD-ROM et aux publications
en ligne. Notre ministère de tutelle, le Department for Culture, Media
and Sport (= Ministère de la culture), est favorable à lextension du
dépôt légal aux documents électroniques et sétait attelé à la rédaction
dun projet de loi. Malheureusement le projet de loi na pu trouver
place dans un programme législatif très chargé et nous devons à présent
attendre les résultats des élections de juin. Dans lintervalle nous
avons mis en place depuis le premier janvier 2000 un système de dépôt
volontaire de publications électroniques sur support. Grâce au dépôt
volontaire X publications ont été déposées en 2000 et Y fin [month?]
2001. Cest peu, mais mieux que rien. En outre ceci nous permet de développer
notre savoir-faire en matière de gestion des documents électroniques. Lenvironnement en ligne représente un formidable défi qui nous conduira peut-être à apporter des aménagements à notre gestion de la production imprimée. Réfléchissons-y un instant. Le principe du dépôt légal repose sur la collecte exhaustive et la transmission à la postérité du patrimoine documentaire national. Toutefois, en mettant de côté la difficulté que constitue dans un environnement en ligne la formulation de critères pour identifier un document national, nous sommes conscients de la quasi- impossibilité dassurer une collecte exhaustive des ressources internet. Pour la première fois nous serons obligés de sélectionner. Cependant le principe dexhaustivité présente lavantage de ne pas entraîner de coûts en personnels affectés à la sélection. Bien entendu les coût annexes peuvent être élevés, mais se justifient par la mission patrimoniale dune bibliothèque nationale. La capture et la récupération suppose donc des frais liés à leur sélection. Dautre part, et ceci est fondamental, nous allons pour la première fois, pratiquer une collecte sélective et non plus exhaustive. Nous estimons quil sagit là dune évolution si fondamentale, avec des conséquences à long terme pour le paysage intellectuel, que nous allons lancer un appel à contributions sur le plan national à la fin du mois. La question de lédition électronique modifie, je crois, la position actuelle de lédition papier. Supports papier et électroniques ne sont plus indépendants, pour nous, comme bibliothèque nationale. Le Gouvernement a indiqué que la législation touchant le dépôt légal de lédition electronique ne sera pas acceptée sans un examen détaillé du système actuel. Du point de vue de léditeur il est question des six exemplaires quil faut déposer. Du point du vue des bibliothèques, il sagit daméliorer lefficacité totale des finances des bibliothèques. Suite aux budgets décroissants, les bibliothèques ont de plus en plus besoin de collaborer. Comme jai déja remarqué, les bibliothèques bénéficiant du dépôt légal ont collaboré depuis plusieures années pour cataloguer les documents reçus au titre de dépôt légal. Nous avons collaboré aussi dans la production des microfilms. Cette collaboration, dans le monde anglophone, est illustré par des modèles pour les contrats de micrographie commerciales, et des registres des négatifs originaux. EROMM, maintenu à lUniversité de Göttingen, avec des contributions provenant des bibliothèques partout en Europe, est un bon example de la coopération internationale. Le principe fondamental est quon na pas besoin de filmer, pour raison de conservation, un texte plus dune fois. Si nous sommes au fait sur ce quon a filmé ailleurs, nous pouvons concentrer nos ressources réduits pour filmer les textes qui ne figurent pas encore au registre. En plus, le Gouvernement, suivant sa politique de libre accès aux collections culturelles pour le grand public, et lencouragement de lusage des ordinateurs, a reconnu ce que peuvent apporter les bibliothèques à ce programme. Le Gouvernement contribue des billions de francs aux projets pour les réseaux et pour la numérisation, mais propose aux bibliothèques une perspective unifiée et centralisée, qui voit plus clairement la totalité que les parties constituantes. Avec cette perspective unifiée, et face aux demandes pour des nouveaux bâtiments universitaires, nous devons examiner la nécessité de retenir, à perpetuité, plus dun exemplaire de chaque texte. Maintenant que nous avons tous des catalogues informatisés, et que nous pouvons, nous et nos lecteurs, interroger les catalogues dautres établissements, nous ne pouvons plus accepter la collecte de multiples exemplaires à léchelle nationale que seule la coutume irréfléchie justifie. Nous devons conserver, peut-être, des exemplaires multiples des textes de base, qui sont utilisés fréquemment, mais il nest pas évident pourquoi nous devrions garder des exemplaires multiples de toute lédition imprimée. Chez nous, les bibliothécaires doivent considérer maintenant la question du stockage à long terme. La plupart des bibliothèques universitaires retiennent tous les numéros des périodiques scientifiques, Beaucoup dentre eux souscrivent maintenant à JSTOR pour obtenir tous les numéros en forme électronique, mais très peu dentre eux ont retiré des rayons des exemplaires-papier pour faire des économies de stockage, et donc dargent, économies qui pouvaient payer les souscriptions. La possibilité existe de faire le même progrès dans le champs de déselection. Avec lamélioration des moyens de communication, et la disponibilité des catalogues en ligne, il serait possible, je crois, de mieux coordonner la déselection. Nous sommes encouragés par lexample qui existe déjà à la British Library, au moins à létat embryonnaire, dun système pour la déselection co-operative. Il sappelle Booknet (qui sera bientôt relancé sur le Web, et renommé BookTrove http://www.bl.uk/services/booknet/ ). Booknet est un service fourni par la British Library comme service offerts aux les bibliothèques publiques. On peut voir ce service comme un outil permettant une désélection responsable. Le système Booknet permet à la fois la réception des ouvrages déselectionnés par les autres bibliothèques ainsi quune interrogation des catalogues de la British Library pour voir si celle-ci possède déjà le livre en question. Si non, nous lajoutons à nos collections. Si oui, on le place sur un liste qui est circulé, pour que dautres bibliothèques aient la possibilité de lacheter à valeur nominale, pour couvrir nos frais. A lavenir, la liste sera disponible sur le web, pour éviter les frais dimprimerie et de distribution. Elle sera disponible, ainsi, à un nombre plus important dorganisations et dindividus qui puissent profiter de ce service. Au fur et à mesure qu nous co-opérons dans le domaine du développement des collections, lobligation simpose détendre les accords pour permettre laccès, la préservation, et, à la fin, le stockage à long terme. Si une université, par exemple, devient le centre national spécialisé pour un sujet, elle acquiert pat là même, un rôle national. Mais comme centre national de recherche, il me semble que le caractère de la collection quelle gère doit changer par définition. Ce sont là des questions difficiles, qui touchent lautonomie des universités et qui ont besoin des négotiations prolongées. Cependant, nous venons de créer une organisation pour discuter et résoudre ces problèmes. Les trois bibliothèques nationales, en partenariat avec le Higher Education Funding council, (Conseil de Subvention pour les Etudes supérieures) ont constitué un conseil consultatif de stratégie pour les bibliothèques de recherche. Pour la première fois, nous aurons une organisation qui non seulement aura une perspective totale quant à la founiture des services des bibliothèques de recherche, mais aussi une organisation qui aura à sa disposition des pouvoirs de contrôle financier, pour encourager les bibliothèques à coopérer avec sa stratégie. Je crois que cette stratégie changera la perspective sur la déselection. Il sera possible que, de plus en plus, les bibliothèques ne prendront pas ces décisions dans lisolement, mais chercheront une intégration dans la stratégie nationale.
Nous sommes arrivés, donc, à un carrefour pour la stratégie de déselection. Nous continuons à présent la politique que jai exposée au commencement de cette intervention, mais nous prévoyons que cette politique sera bientôt modifiée pour sintégrer au moins une perspective nationale. Et, qui sait? comme nous avons déjà une perspective européenne au sujet de le programme de micrographie, nous aurons peut-être une vision européenne de déselection.
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28/06/2001 |