La conservation partagée
Claudine
Lieber
Inspecteur général des bibliothèques
Conférence prononcée le 17 mai 2001, lors de
la journée d'études organisée par le groupe Poldoc à la BM de Lyon.
La conservation partagée est un thème courant de la littérature
bibliothéconomique, cest un classique des journées détude.
Je dois dire que ce sujet me semble participer à la fois de la tarte à
la crème et du poil à gratter. Les bibliothécaires en approuvent le
principe, tous sont daccord pour dire combien la conservation partagée
est lidéal à atteindre : on en parle beaucoup, on en fait très
peu.
Cest
aussi pourquoi le sujet nous démange. Il nous renvoie en effet à nos
propres insuffisances, en matière dinventaire et de catalogage des
fonds (savons-nous ce que nous possédons ?), de politique
documentaire, douverture et de coopération...
Je mefforcerai pourtant de le traiter, en restant au
plus près du « terrain » comme lon dit. On sait bien que
les objectifs des groupes Poldoc auxquels je participe, sont éminemment
pragmatiques. Je vais donc parler dabord très rapidement des objectifs ,
qui me semblent assez bien connus,
et très consensuels.
Je mattarderai davantage sur létat des lieux :
mon intention était de vous fournir une idée de ce qui est mobilisable, au cas où vous souhaiteriez vous lancer dans
laventure, une liste doutils dont
vous pourriez vous saisir (cette journée porte comme bandeau
dannonce « outils des politiques documentaires »). Je donnerai
donc des informations sur les cadres dans lesquels peut sinscrire la
conservation partagée, sur les
structures de recours, sur les instruments à utiliser, puis je vous
décrirai les réalisations et
les avancées en la matière : priorité au concret et aux expériences
vécues, même si elles ne sont pas totalement satisfaisantes.
1. Les objectifs
Les enjeux dune conservation partagée bien organisée sont de
plusieurs ordres :
-
sur le plan pratique
La conservation partagée permet
déliminer sans état dâme, en toute sécurité et sérénité,
en sachant que le document dont on se sépare ou son double est conservé
et accessible dans un environnement immédiat, ou presque immédiat. Par
là même, on gère mieux les espaces dont on dispose. La réorientation
de lusager, qui a une sorte de génie pour venir réclamer le
document éliminé la veille par la bibliothèque, se fait aisément. Au
total, on aboutit à une meilleure gestion des collections, une utilisation rationnelle des
locaux, à de meilleurs services au public
-
sur le plan éthique
Sassocier pour conserver, cest conserver mieux et davantage,
cest aussi contribuer à létendue de la couverture documentaire.
Nous avons un devoir de mémoire vis-à-vis des générations futures,
en particulier pour le patrimoine en train de se faire. Lextension de
la notion de patrimoine au «patrimoine en cours de constitution »
est récente. Si les collections du
19ème, de la première moitié du 20ème
font lobjet dun début de réflexion, les publications jusquaux
années 80 restent actuellement très menacées par des destructions
massives et concomitantes. Les historiens (et les autorités de tutelle)
sont dailleurs là pour nous culpabiliser, sans doute à outrance. Roger
Chartier sest inquiété du risque énorme que présente le tri des
documents, et dénonce le privilège, selon lui extravagant, que détiennent
de fait les bibliothécaires, responsables dune telle sélection.
-
sur le plan des missions
de diffusion
On
norganise pas la conservation pour elle-même. Or on ne peut pas dire
que les missions de diffusion sont correctement remplies en lecture
publique : dans la mesure où on ne sait pas qui a quoi dans les
bibliothèques publiques, on ne peut que travailler sur la base du
« vraisemblable » (un document concernant un auteur
bordelais a des chances de se trouver en Aquitaine). Derrière tout cela
se profile linquiétante question du Prêt inter-bibliothèques, dont
nous savons combien il est faible et inorganisé (faible parce
quinorganisé) côté lecture publique
Bien des établissements, même
relativement importants, considèrent que leurs missions concernent
surtout la communication et quils nont pas à soccuper de
conservation : dautres sont faits pour cela, avec plus de
moyens, plus de personnel, plus de locaux, la BNF apparaissant à chacun
comme le recours universel (et commode). Il me semble quil y a une
certaine légèreté à balayer ainsi devant sa porte, en renvoyant la
charge plus loin, sans avoir vérifié quelle est bien assumée
quelque part. On pourra de moins en moins se limiter à un simple
service de proximité immédiate, comme on ne pourra pas non plus
cantonner une collection aux documents de première actualité ou de
première nécessité.
La BNF a
mis fin à lactivité du Centre national de prêt, et nassurera la
fourniture de document quen dernier recours, laissant le soin aux
bibliothèques de mettre sur pied un service de premier recours. Le
service que nous rendons à nos usagers risque donc de devenir un
service largement incomplet si nous ne veillons pas à une correcte
redistribution des rôles. Conservation et diffusion sont
indissociablement liées.
En partageant la conservation, on démultiplie
les collections accessibles, et on respecte la déontologie. Suivre les
objectifs que je viens dénoncer supposerait une définition claire
des missions de chacun et la
mise en place dune carte documentaire convenable. Or, contrairement à ce quon aurait pu penser dans un pays centralisé
comme la France, la politique documentaire (dont la conservation) na
pas été organisée suivant un ordre napoléonien : on aurait pu rêver
dun dispositif pyramidal avec au sommet la BNF comme bras armé et
grande ordonnatrice. Ce nest pas le cas. La réalité de la
conservation partagée, qui est largement aussi celle de la coopération,
fait penser à une esquisse,
une sorte de brouillon, un paysage où lon rencontre de temps à
autres des fondations, des débuts de construction et darchitecture,
quelques piliers souvent enchevêtrés, du matériel en vrac, mais aussi
beaucoup de trous et de bosses. Ce nest en rien un jardin à la française.
Je vais essayer déjà de clarifier les principaux cadres daction
dans lesquels sinscrivent les expériences de conservation partagée,
ce qui me permettra de parler ensuite des structures de coopération.
2.
Les cadres daction
Les cadres
les plus couramment utilisés sont à la fois géographiques et
administratifs. Ville, département, région ou encore le campus
renferment ainsi de multiples coopérations. Le cadre municipal regroupe
les établissements culturels ou déducation de la commune :
bibliothèques, musée, école dart, divers centres de documentation ;
le réseau des bibliothèques de quartier et de la centrale est aussi un
regroupement avec une cohérence fonctionnelle et administrative, qui
sétendra sans doute bientôt à lintercommunalité.
Tous ces
ensembles fournissent peu de conservation formalisée. On fonctionne sur
le mode du pratico-pratique, on y trouve plutôt ce que jappellerai
des coopérations de bonne volonté. Avant de détruire des collections, on cherche à
donner ce qui peut intéresser les voisins, par exemple les disques noirs aux conservatoires. On constitue une réserve
centrale en conservant un exemplaire des romans achetés dans le réseau,
ou une mémoire fragmentaire de livres de jeunesse. On sarrange entre
BM et BU. Il ny a pas de convention, et pas de politique affichée.
Cest purement une attitude de bonne ménagère , on
ne peut pas considérer quil sagit vraiment de conservation partagée.
Dans le meilleur des cas, un catalogue collectif informatisé permet de
réorienter les demandes postérieures.
Dans le
cadre local figure aussi le
campus. A lintérieur de ce cadre géographique et administratif,
les bibliothèques des diverses composantes conservent des collections,
malheureusement plus ou moins bien inventoriées et signalées. Il entre
dans les missions des Services communs de la documentation dorganiser
la conservation partagée. Je ne mattarderai pas sur les difficultés
de lexercice. La conservation partagée se traduit dans le meilleur
des cas par lintégration de bibliothèques de composantes, qui ouvre
alors la voie à une rationalisation de la politique documentaire. Mais
on pourrait imaginer davantage de cohérence, avec en perspective des économies
déchelle, pour aboutir à un vrai plan de développement des
collections à léchelle du campus, si tous les interlocuteurs étaient
raisonnables
Le cadre départemental est utilisé pour des conservations partagées
de périodiques, ou pour des coopérations documentaires partagées
entre bibliothèques dun même réseau, par exemple dans les BDP. Des opérations de sauvegarde du patrimoine (recensement des
fonds anciens, élaboration de catalogues) ont eu lieu (médiathèque de
la Loire) ou sont en projet (Champagne Ardenne, les BDP devant
accueillir sur leur serveur les fonds spécialisés ou anciens des
petites bibliothèques de leur réseau) dans le cadre départemental. Un
financement des Conseils généraux, souvent friands dune politique
patrimoniale, peut éventuellement être obtenu.
Le cadre régional est celui où lon trouve les réalisations les
plus appropriées en terme de conservation partagée. Cest aussi - et
il ne sagit pas de hasard - le terrain des agences de coopération et
CRL, des BMVR et le territoire daction des DRAC. Cest le cadre le
plus riche, surtout si la région nest pas trop étendue, donc si les
collections, en général dispersées entre un certain nombre détablissements,
ne sont pas trop distantes, il permet une logistique efficace.
Qui dit coopération dit en effet rencontres, discussions. Ce cadre
permet aussi la participation détablissements sous diverses tutelles
administratives, par exemple les bibliothèques territoriales et les
bibliothèques universitaires. Par ailleurs, on peut toujours espérer
un financement régional (au moins de la DRAC).
Dans le cadre national, on trouve les grandes institutions qui jouent un rôle
de conservation partagée, la BNF et ses pôles associés, les BMVR car
il sagit dun programme du Ministère de la Culture. On peut aussi
citer le cas des 21 CADIST mis en place par la SBDB. On noubliera pas
la série dinstruments denvergure nationale, comme les catalogues.
3.
Structures et piliers. Les matériaux
Dans ces cadres qui au
premier abord paraissent clairs, de quels matériaux dispose-t-on ?
Les structures
La pièce maîtresse de la conservation reste, cest
vrai, la BNF, en particulier
parce quelle dispose de latout du Dépôt légal. Justement, elle
tente de mettre sur pied une conservation répartie, en partageant
acquisitions et conservation avec ses pôles associés (pôles dépôt légal
dont le dispositif a été rationalisé dans chaque chef-lieu de région,
pôles thématiques). A lévidence, cette ordonnance comporte des
trous : la BNF ne peut pas - ne serait-ce que pour des problèmes
strictement matériels - et ne doit pas tout conserver. Il est bien évident
que des documents échappent forcément à son emprise. La collecte du Dépôt
légal nest pas exhaustive, et les pôles thématiques ne recouvrent
pas lencyclopédisme.
Les agences de coopération, parfois incluses dans un CRL
sont actives dans la moitié au moins du territoire, elles sont à même
de fournir des compétences, et surtout de faire que se concrétise la
motivation de départ. Mais elles nexistent pas ou plus dans
certaines régions (en particulier en Ile-de-France).
Les douze BMVR dont le programme monte en puissance ont un volet de coopération
obligatoire dans leur programme. Les BMVR doivent en principe pouvoir
offrir du stockage, des compétences, des forces de travail, des
collections. Mais dune part elles sont très inégalement réparties
sur le territoire (12 dans 8 régions), les BMVR « assimilées »
(celles qui ont été construites avant le programme) ne veulent pas
forcément jouer un rôle de coopération. Les BMVR au sens strict du
terme non plus dailleurs
: beaucoup font de la coopération régionale
en pointillés. Peu, mis à part en Champagne Ardenne, en font un cheval
de bataille, peu laffichent comme un objectif.
Les 21 CADIST, quon retrouve parfois au
sein des pôles associés à la
BNF, peuvent virtuellement recevoir, dans leurs spécialités,
les publications dont les bibliothèques envisagent lélimination. Là
non plus, le dispositif nest pas exhaustif, puisque lensemble des
champs de la connaissance est loin dêtre couvert.
Les autres matériaux : locaux et catalogues
Voyons
maintenant de quoi peut se saisir la conservation répartie pour sétayer
et fonctionner : elle demande du temps, des heures de travail, et nécessite
en particulier deux outils : des locaux
et des catalogues collectifs à
jour, de préférence informatisés. Or de quoi dispose-t-on ?
On ne peut prétendre partager la conservation sans les locaux
adéquats. Beaucoup détablissements, on le sait, manquent de
place. Il existe des bibliothèques qui ont encore de lespace,
notamment parmi celles qui viennent dêtre construites, mais on ne
peut faire fond là-dessus. Comme toutes les bibliothèques qui ont
encore des espaces disponibles, elles les réservent dabord pour
leurs propres besoins. Dautre part, le point de saturation est très vite atteint. Pourtant toute bibliothèque, grande ou petite, qui souhaite se débarrasser
douvrages inutilisés devrait avoir la possibilité de les déposer
dans un lieu adéquat. Nous en sommes loin. Le Centre technique du livre
de lEnseignement supérieur est un établissement national, mais
nest de fait ouvert quaux bibliothèques universitaires et aux
bibliothèques des grands établissements dIle-de-France.
Que
proposent les catalogues ? Bien
entendu, la généralisation des catalogues de bibliothèques sur
internet facilitera de plus en plus la localisation des documents. La
conservation partagée bien structurée suppose, elle, un catalogue
collectif que détient lensemble des partenaires. Il en existe de
toutes sortes, de la simple liste sur papier du style qui a
quoi au catalogue informatisé disponible sur internet en
passant par le cédérom. Je mintéresserai plus particulièrement à
deux dentre eux, parce que ce sont des catalogues informatisés
nationaux, et donc susceptibles dêtre utilisés par tous les établissements.
Il sagit du CCNPS et du CCfr, tous deux sur internet.
Le catalogue est le socle des opérations de conservation
partagée : ce nest pas un hasard si la conservation partagée
de périodiques est lune des seules qui fonctionne ; elle
sest appuyée sur lexistence ancienne du CCNPS, qui est en soi une carte de partage documentaire.
Le CCfr et ses 14 millions de notices est dexistence récente. Il contient le catalogue de la BNF
Opale Plus (7 millions de notices), le catalogue des bibliothèques
universitaires françaises (5 millions), SUDOC, et le catalogue BMR (2
millions, fonds anciens ou régionaux ou spécialisés de cinquante cinq
bibliothèques).
Il contient
un autre élément, intéressant pour le sujet que nous traitons et passé
assez inaperçu : le RNBCD, qui se veut une cartographie des
ressources documentaires françaises.
Les notices quil contient donnent des informations pratiques
(coordonnées
) mais aussi scientifiques, dont une description du ou
des fonds conservés. Il comprend actuellement 3935 notices de bibliothèques,
la plupart générées à partir dinformations dantiques répertoires
conservés à lABES ou à la DLL. Seulement 850 notices décrivant
les fonds figurent dans ce répertoire (chiffres 2001) : la
collaboration des bibliothèques nest malheureusement pas facile à
obtenir. Linterrogation, qui permet grâce à un lien hypertexte, de
se retrouver directement sur le catalogue de la bibliothèque, (si
celui-ci est informatisé et disponible sur internet est encore, dans
les circonstances actuelles), souvent décevante.
Car une carte qui comporte des imprécisions ou
des erreurs égare qui la consulte. Tout catalogue se doit, pour être
vraiment efficace, dêtre complet, très rapidement et soigneusement
mis à jour. Si ce nest pas le cas, on va à lencontre du but
recherché. Reprenons les deux instruments que je viens de citer.
Si vos états de collection sont
incomplets, pas à jour, ou pas même entrés sur le CCN, vous nuisez
gravement à la crédibilité et à lefficacité de ce catalogue. De
même, le RNBCD sera ce que les bibliothécaires en feront. Les bibliothèques
peuvent aisément mettre à
jour leurs notices mais le savent-elles ou le veulent-elles ? Plus
les notices des fonds sont nombreuses, fines et de qualité, meilleure
sera la carte documentaire, plus efficaces seront les réponses. Cest
aux établissements quil appartient de nourrir le RNBCD. Ce répertoire
paraît fondamental à la fois pour répartir la conservation et
favoriser la diffusion, puisquil a lambition de dessiner une
cartographie des fonds.
Toutes ces structures de coopération, ces
instruments que je vous ai décrits, avec les lacunes que je ne vous ai
pas cachées, sont à même de fournir de la matière pour qui veut bien
se mettre en route : les réalisations
dont je vais maintenant vous parler les utilisent en tout ou partie. Je
ne vous étonnerai pas en affirmant que lorsquon fait linventaire
précis des opérations exemplaires et suivies, la quête est maigre.
4. Etat des
lieux : les réalisations
La conservation partagée,
formalisée sur une certaine échelle, ne concerne guère actuellement
que deux domaines : les
fonds locaux et les périodiques.
Elle est balbutiante pour le reste
des monographies et les autres types de documents, en particulier
les disques. Il existe un frémissement dans le secteur jeunesse, qui
tente de mettre en place un
début de conservation partagée des ouvrages et des périodiques.
Enfin, on citera LE silo, lunique silo français de conservation partagée, le
CTLes, dobédience universitaire.
Les
fonds locaux (et spécialisés)
Le partage des acquisitions (et donc de la
conservation) des documents dintérêt local sorganise généralement
de manière plus ou moins tacite. Chaque bibliothèque municipale achète
naturellement les documents concernant sa circonscription, le plus
souvent en plusieurs exemplaires, pour les prêter, et constituer un
fonds local de conservation. Ce fonds courant complète souvent des
fonds plus anciens. Cette pratique concerne également les bibliothèques
départementales. Un début de formalisation est en cours, afin de
clarifier les responsabilités, et de couvrir des secteurs documentaires
négligés, comme la littérature grise.
La récente réforme des circonscriptions du dépôt légal
rationalise la collecte de la production imprimée courante, chaque
bibliothèque municipale de chef-lieu de région étant désormais
responsable du dépôt légal imprimeur de sa région administrative, et
recevant de la BNF un exemplaire de ce qui est édité dans cette même
région. Autour de ces bibliothèques et du noyau fourni par la collecte
du dépôt légal commencent à sorganiser des bases bibliographiques
informatisées qui recensent les documents locaux acquis et conservés
par les autres bibliothèques de la région.
Plusieurs bases, auxquelles participent les bibliothèques
universitaires, sont en cours de constitution,
avec laide des agences de coopération ou Centres régionaux du
livre, par exemple en Bretagne autour de Rennes, Franche-Comté autour
de Besançon ou en Languedoc-Roussillon
avec Montpellier, les deux plus avancées étant la Bourgogne
qui a mis en place une véritable carte documentaire régionale et
remonte assez loin dans le temps grâce à son appui sur la
Bibliographie bourguignonne courante (qui commence à 1939) et la
Champagne-Ardenne autour de
Châlons-en-Champagne (la base recense aussi les fonds spécialisés :
lécart est parfois mince). Ces deux
dernières bases sont, lune pôle associé de la BNF (Bourgogne),
lautre en voie de le devenir (CA), et seront liées au CCfr, dune
manière qui nest pas encore tout à fait définie.
Lintégration des bases de ce type dans une dynamique
nationale est logique et souhaitable. On citera encore le cédérom de Basse-Normandie, qui contient 30 000 notices des fonds anciens de
six bibliothèques ; la base compte maintenant 70000
notices. Celui de Rhône-Alpes,
Mémoire et actualité de la région Rhône-Alpes ,
en est à sa deuxième édition (170
000 notices), et regroupe les fonds
locaux de 34 bibliothèques, avec une définition très large des fonds
locaux.
Les périodiques
La conservation partagée de périodiques
répartit la responsabilité de la conservation des titres entre les
bibliothèques. Chacune sengage à ne jamais éliminer de collections
sans les proposer en complément à la bibliothèque chargée de la
conservation du périodique. Neuf plans fonctionnent actuellement avec
une assise régionale
(sur 22 régions métropolitaines). Deux dentre eux sont faibles. On
remarquera donc quune minorité de régions en sont donc dotées.
Plus rarement, plusieurs bibliothèques sentendent entre elles, comme
Montélimar, Romans et Valence, ou des villes de Lorraine.
Ils sont souvent précédés ou accompagnés par une campagne de
microfilmage de la presse ancienne locale, mais, curieusement, ny
renvoient pas forcément. Ils sarticulent naturellement avec le CCNPS
avec localisation des collections dans ce catalogue. Certains plans
(Aquitaine, Poitou-Charentes) sont répertoriées comme entités dans le
CCN et disposent dun sigle.
Les plans qui se développent sont disponibles sur linternet,
directement (Champagne Ardenne, Bourgogne, en voie de lêtre) ou via
le CCN. Les plans ainsi répertoriés ont une bien plus grande visibilité,
et peuvent rendre dappréciables services aux usagers.
Nombre de
titres Fonctionnement et organisation
Leur déroulement seffectue généralement par phases ou par étapes,
et se développe sur deux plans : élargissement
des titres et augmentation du nombre de partenaires.
On défriche le champ en partant des besoins quotidiens des bibliothécaires,
taraudés par le manque de place. Lexemple le plus clair est celui
dAbidoc (Bourgogne), qui a mené le développement du plan en 6
phases (en commençant par quotidiens et mensuels généraux et
commence maintenant la conservation des périodiques morts). On va du
plus général et des revues grand public vers le plus spécialisé, ce
qui suppose pour réussir la participation des BU. De 1300 titres (Champagne-Ardenne) ou 825 titres (Bourgogne) à une centaine (Aquitaine, Bretagne 150
titres), voire moins pour les plans en redémarrage (Nord / Pas de
Calais). Il me paraîtrait intéressant de comparer le nombre de titres
concernés à celui des titres répertoriés par le Catalogue collectif
national comme effectivement reçus dans la région. LAquitaine pense
que le plan nen comporte guère plus de 10% , la Bourgogne
avance le chiffre dun peu moins de 40 %. On consolide chaque phase
avant dentamer la suivante.
Ils regroupent des bibliothèques municipales, des BDP et sections des
bibliothèques universitaires, et sont généralement coordonnés et
pris en charge par une agence de coopération dans le cadre régional.
Si la participation des BU est effective et éminemment souhaitable,
elle est plus (Aquitaine, Bretagne) ou moins (Languedoc) forte, les
plans ayant au départ une origine lecture publique qui les marque
parfois fortement. Ils comprennent entre 15 participants (Nord / Pas de
Calais) et 80 (Centre), la moyenne se stabilisant autour de 25 à 30, ce
qui paraît peu au regard des établissements existant dans une région.
Ne participent en effet, parmi les bibliothèques publiques, que les
bibliothèques ayant des moyens suffisants pour avoir une collection de
périodiques.
Les plans font partie des opérations de coopération très ouvertes (ce
qui est à marquer dune pierre blanche), où se nouent aisément des
coopérations entre établissements de statuts et d'importance différents.
Le développement des plans sétale sur le temps (10 ans pour la
Bourgogne, 5 à 6 ans pour lAquitaine ou CA, Poitou-Charentes, 9 ans
pour le Centre ou le Nord, Bretagne étant le plus jeune).. Lobjectif
est lélargissement des partenaires et, concurremment, celui des
titres.
Certains comprennent les titres
jeunesse, dautres sont passés déjà à la conservation des périodiques
morts. Les plans les plus aboutis sont entrés dans une phase de vraie réflexion
sur une politique documentaire régionale et envisagent lachat de
compléments de collections. Juridiquement, la forme la plus facile est
celle, moins contraignante, de léchange, avec la signature éventuelle
de conventions.
Les agences sont unanimes : cest beaucoup de travail, à la fois
pour les coordinateurs et pour les bibliothèques (état de
collections). Mais la satisfaction des utilisateurs est évidente :
les réunions pour le plan, en général annuelles, sont très suivies,
notamment par les petits établissements.
Les
fonds jeunesse. Autres.
Conscientes
de la fragilisation des fonds jeunesse, (documents sur-utilisés, édition
à durée de vie limité, très vite indisponible, qui acquiert
rapidement une valeur vénale élevée) un certain nombre de bibliothèques
font de la conservation, en ordre dispersé et sans répartition de
responsabilité. Des noyaux de conservation existent cependant (réseaux
Heure Joyeuse, JPL, Centres de ressources
Jeunesse, qui sont tous de structure et de constitutions diverses,
fonds des bibliothèques), qui se sont donnés pour mission de garder
une mémoire de lédition de Jeunesse, et accueillent des fonds éliminés
de sections enfantines. Il ny a pas de plan densemble, ni de véritable
tête de réseau, ni de base informatisée.
Trois réunions
nationales ont eu lieu, dont lune à la BNF, dautres dans des régions
(PACA). Pour le moment , on nest pas au stade de lopérationnel,
mis à part les fonds plus ou moins structurés déjà cités. Un projet
denquête sur les fonds est à létude, dont les résultats
pourraient être communiqués au RNBCD.
Au stade des projets avec une bonne chance daboutir, on
citera le partage de pôles en Champagne Ardenne, après recensement des
spécialités (musique, arts du cirque, littérature populaire), et mise
en route d'une enquête et dun groupe de travail pour aller plus loin
dans la conservation partagée). Cest sans nul doute lune des régions
les plus avancées en matière de coopération documentaire.
Le
CTLes
Le CTLes
est situé à 30 kms de Paris (6900 m2), opérationnel depuis 1996. La
capacité de stockage est de 78 km de rayonnages, soit 2 725 000
volumes, la prévision de 3,2 millions. Ce lieu extérieur de stockage
(On a vu jusquà présent des exemples de partages intellectuels de
la conservation des collections, chacun conservant chez soi les
collections dont il est responsable, et y accueillant les collections
des autres suivant un plan établi) malheureusement la seule réalisation
française, alors que la technique est couramment utilisée ailleurs,
chez nos voisins, outre-atlantique, et en Europe du Nord avec des
configurations diverses : bibliothèques universitaires et bibliothèques
publiques partageant un dépôt dans une région donnée, bibliothèques
publiques à léchelle dun pays (Danish repository for public
libraries).
En fait, le
CTLes a vu le jour sous lempire de la nécessité, à la suite du
dernier hoquet des bibliothèques de la région parisienne, qui périssaient
détouffement sous le poids de leur documentation. Même sil il
nest pas vraiment le fruit dune politique documentaire réfléchie
à lavance, il fonctionne à la plus grande satisfaction des
utilisateurs.
Conclusion
Jai essayé de dresser un faire un inventaire réaliste des
moyens sûrement insuffisants, incomplets, insatisfaisants
destinés à favoriser la conservation partagée. Mais ils existent
etdonnent à lheure actuelle le sentiment dêtre sous-exploités.
Tout le monde réclame une meilleure répartition des responsabilités,
mais on compte beaucoup sur lautre pour faire ce dont on na pas
trop envie ou pas le temps de faire, on sort difficilement de ses soucis
quotidiens et de ses intérêts immédiats.
Jarrive à la question de la documentation électronique,
dont on peut se dire que, si elle ne va pas résoudre tous les problèmes
de communication, elle va sans nul doute changer la donne. Si le
document papier a encore de beaux jours devant lui, le futur de la
conservation est incertain ; larrivée du document électronique,
en particulier du périodique, qui tient tant de place dans nos
magasins, va-t-il changer radicalement les choses ?
Lorsque le périodique est offert sous ses deux aspects, les établissements
gardent pour le moment leurs collections papier. Pour combien de temps ?
La BPI par exemple ne les relie plus ; tel SCD, de création récente,
a pilonné des morceaux de collections rétrospectives, inutiles,
puisque lachat darticles à la demande est un choix économiquement
viable. Faudra-t-il continuer à acheter chez le libraire doccasion
tel texte disponible sur le site dune bibliothèque (Gallica ou
autre) ? Ou le rapatrier tranquillement sur son disque dur et
limprimer à la demande, si nécessaire ? De même, le
catalogage de sites web, traités comme des « non-livres »
donne accès à toute une documentation située en dehors de la bibliothèque,
et qui nencombre plus les rayonnages
Demain, la conservation partagée sera-t-elle en grande partie sur des
silos électroniques ? Comment résoudre la question de la péremption
rapide des supports, qui oblige à une recopie régulière des
contenus ? Qui se chargera de la conservation des sites web ? Qui
prendra en charge la conservation et la fourniture du rétrospectif ? Certaines bibliothèques pour le compte dun consortium,
par exemple les Cadist ? Le secteur commercial, les éditeurs, qui
risquent dutiliser des critères purement commerciaux, et de pilonner
électroniquement des
revues non consultées? Sil est dangereux de faire des prévisions, même
à court terme, on peut penser que les collections prendront sans doute
moins de place physique dans nos établissements, mais que le coût de
la conservation nen sera pas diminué.