Auteur
Thierry Giappiconi

 Type de document
Avenir du Conspectus Poldoc

 Date
2000

 

Sommaire

Conférence introductive

Complémentarité entre les supports

Conspectus, état des lieux et perspectives

Expérience d'évaluation de la consultation sur place à Miramas

 

 

Thierry Giappiconi

Avenir du Conspectus Poldoc

Journée d’étude organisée par le groupe Poldoc
17 mars 2000 – Villeurbanne

 

QU’EST-CE QUE LE CONSPECTUS ?

1. Le terme

Le nom masculin latin conspectus[1] recouvre les sens de vue ou « coup d’œil » d’ensemble et d’examen.  Selon cette acception, la méthode du Conspectus consiste en la représentation synthétique de l’état et du développement en cours d’un segment des ressources documentaires d’une bibliothèque ou d’un réseau de bibliothèques, au regard d’un objectif préalablement déterminé.  Cette figuration a pour but de fournir au (ou aux) gestionnaire(s) de la collection un instrument de contrôle exposant de façon simple, mais aussi significative que possible, le niveau de profondeur d’information existant, visé et atteint.

2. Le principe

Le conspectus repose sur une segmentation de la collection, segmentation établie à partir d’un système de classement hiérarchisé.  Pour chaque segment des indicateurs de niveau qualitatif et quantitatif et l’insertion de ces indicateurs dans un tableau de bord figurant les stades de départ et d’évolution de la collection au regard de l’objectif visé.

« Les indicateurs de profondeur des collections sont des valeurs numériques employées pour décrire les niveaux et les objectifs des activités de développement des collections en bibliothèque.»

· Le niveau de développement des collections (current collection : CL), c’est-à-dire l’existant ou la situation de départ ;

· Le niveau réel des acquisitions en cours (acquisition commitment : AC), c’est-à-dire le niveau de développement en cours en fonctions des ressources (budgétaires, humaines et matérielles) attribuées ;

· L’objectif de niveau de développement visé (collection goal [level] : GL.

La notion de collection prend en compte toutes les dimensions de l’information, c’est-à-dire :

· Les ressources documentaires conservées en propre par la bibliothèque sous forme tangible (livres, périodiques et autres imprimés, supports magnétiques et électroniques, prêtées ou communiqués sur place), à l’exclusion des ressources provenant du prêt entre bibliothèques ;

· Les ressources documentaires en ligne sélectionnées par la bibliothèque « accès définis » par des listes de sélection ou des moteurs de recherche, périodiques et autres bases de données.

Le conspectus définit des codes de profondeur de l’information (correspondant à des niveaux et des objectifs de connaissance, des codes de langues et des codes de conservation).

Tableau des indicateurs de profondeur des collections (six niveaux)

(d'après Bushing, Davis, et Powell) [2] 

0 Niveau 0 : hors collection
1 Niveau 1 : Niveau minimal d'information
2 Niveau 2 : Niveau d'information de base (collège, lycée)
3 Niveau 3 : Niveau étude ou contribution à l'enseignement
(terminales, premier et deuxiéme cycle)
4 Niveau 4 : Niveau recherche (DEA, doctorats)
5 Niveau 5 : Niveau complet d'information (recherche d'exhaustivité)

 

Tableau des indicateurs de profondeur des collections  (dix niveaux)

(d'après Bushing, Davis, et Powell)

0

Hors collection (la bibliothèque choisi délibérément
de ne pas développer de collection dans ce segment documentaire).

1a

Niveau minimal d'information, couverture non systématique du sujet

1b

Niveau minimal d'information, couverture systématique du sujet

2a

Niveau d'information de base, introduction

2b

Niveau d'information de base, approfondi

3a

Support de formation, niveau débutant

3b

Support de formation, niveau intermédiaire

3c

Support de formation, niveau confirmé

4

Niveau recherche

5

Niveau complet d'information

 

Tableau des indicateurs de couverture linguistique

(d'après Bushing, Davis, et Powell)

P(Primary language of the country) *

Collection essentiellement dans la langue
nationale

S(Selected other language material) *

Collection comportant une sélection
de titres dans une autre langue

W(Wide selection of language represented) *

Collection comportant une large
sélection de titres en autre langues

X

Collection principalement en une autre langue

D(Dual language) *

Collection en deux langues officielles
(par ex. : français et flamand)

 

( * Nous indiquons ici les définitions anglaises qui expliquent le choix des indicateurs alphabétiques.)

Tableau des indicateurs de conservation

(d'après Bushing, Davis, et Powell)

0

Hors échelle, aucun traitement de conservation.
La détérioration de la collection est prévue et acceptée

1

Usure normale.les documents sont conservés tant qu'ils sont utiles

2

Niveau de préservation physique. Quelques opérations de nettoyage
et de réparation sont mises en oeuvre pour remédier aux détériorations
consécutive à une utilisation normale. Les conditions de stockage sont
conformes aux exigences moyennes préservation de l'état des différents
types de documents

3

Niveau de préservation des contenus, réassortiment planifié.

4

Niveau de conservation recherche

5

 

 

POURQUOI LE CONSPECTUS ?

· Chercher d’abord à tirer parti des réflexions et des expériences existantes au lieu d’en réinventer ;

· Tenir compte d’opportunités de disposer d’une norme de fait.  Le conspectus est étroitement lié à OCLC et est déjà l’outil d’une politique de développement des collections des bibliothèques hollandaise sur le réseau PICA, réseau auquel l’ABES est désormais associé.

1. L’outil d’un développement rationnel des collections

Bonita Bryant a donné à cet égard, il y a plus de dix ans, une définition qui garde toute son actualité :

« Le but de toute organisation du développement d’une collection doit être de fournir à la bibliothèque des ressources documentaires qui répondent de façon appropriée aux besoins de la population qu’elle a pour mission de desservir dans le cadre de ses ressources budgétaires et humaines.  Pour atteindre ce but, chaque segment de la collection doit être développé avec un usage proportionnel à son importance au regard des missions de la bibliothèque et des besoins de ses usagers » (Bryant, 1987).[3]

Comme tout aspect de la gestion, le développement des collections implique la définition de choix et de priorités. Le Conspectus n’est autre qu’une représentation méthodique et opérationnelle de ces options.

2. Un outil de transparence de l’exercice du métier « de tri de l’information » des bibliothèques et de leur personnel

Le conspectus peut ainsi constituer un outil de référence et de dialogue avec l’autorité de tutelle, au sein de l’équipe professionnelle, avec les utilisateurs acquis ou potentiels, avec les éditeurs et autres partenaires intellectuels et économiques de la production de l’information.

Il doit viser à :

· adapter le profil et la profondeur de l’information aux missions buts et objectifs de la bibliothèque et aux besoins  des usagers ;

· fonder et justifier les choix et les priorités sur un projet social et intellectuel explicite et cohérent ;

· affirmer ainsi la responsabilité intellectuelle des professionnels en matière de « laïcité » des collections face à toutes les formes d’arbitraire (censure plus ou moins explicite, « mandarinat »), orienter les débats à partir des raisons tangibles et contrôlables et non des considérations idéologiques ou sur des oppositions de pouvoir. (L’objectif de service public et non « l’élu roi », « le professeur roi » contre le « bibliothécaire roi ».)

· évaluer le coût du développement des collections (le conspectus peut constituer un indicateur de pertinence des moyens au regard des objectifs).

· engager un dialogue positif et constructif avec le monde de l’édition et de la librairie en clarifiant la fonction sociale et économique des bibliothèques dans l’écosystème du livre et des autres médias au moyen d’un outil de contrôle et d’évaluation des objectifs et de l’impact du développement des collections par les bibliothèques.

3.  Un outil de développement partagé des collections conçu pour planifier un développement partagé de conspectus peut constituer l’outil :

· de l’harmonisation de la carte documentaire des territoires (agglomérations de communes, villes/universités, etc.) ;

· d’une coopération documentaire avec la BnF (pourquoi ne pas envisager à partir de la bibliothèque nationale, une politique documentaire nationale comme en Hollande ou en Australie ?) ;

· d’une coopération entre réseaux européens (notamment dans le cadre du réseau PICA).

OU EN SOMMES NOUS ?

1. Le groupe

Le groupe a entrepris des réflexions accompagnées de traductions et d’adaptations de travail (Alain Caraco et Christelle Coquilleau de la BdP de la Savoie, Hélène Jouannelle de Chalon sur Saône, Sylvie Bonnel durant son stage de l’ENSSIB et actuellement conservateur à Mulhouse).  Il a conclu à l’opportunité d’expérimenter des applications (sur 5 indicateurs Savoie, sur 10 à Fresnes).

2. Fresnes

· La collection est répartie en 33 domaines inspirés de Dewey puis répartis entre les membres du personnel. Cette segmentation correspond à autant de « rayons » délimités dans l’espace de la bibliothèque (un peu dans l’esprit d’un « grand magasin »).

· la sous-segmentation se fait selon le principe « Callenge » des cotes validées, c’est-à-dire en unités documentaires significatives correspondant au moins (pour la segmentation la plus particulière) à environ une trentaine de documents, puis par l’utilisation de ces cotes comme indexation pour signaler l’appartenance d’un document à plusieurs segments de la collection (exemple : romans et littérature).

Chaque responsable de rayon :

· dispose d’objectifs (parfois de cibles : tranches d’âges, commerçants, artisans et PME) explicites (parfois quantifiables : scolaires, agents de la commune, de l’administration pénitentiaire, etc.) ;

· est en charge du développement de la collection sous ses formes tangibles (tous supports confondus) et virtuels (sélection et catalogage de sites Internet ou autres base en ligne) ;

· est en charge de la distribution (rangement et présentation, dépôts et autres relais) et de la promotion (communication de masse : fichier et boîte de dialogue, relations publiques : rencontres avec les partenaires et enquêtes auprès des usagers et des activités promotionnelles : activités culturelles, offres temporaires) de son rayon ;

· dispose d’un tableau de bord.

Exemple d'évaluation des collections

 par la méthode du Conspectus à la BM de Fresnes

 PHILOSOPHIE

12

Responsable :  xxxx

BUTS ET PUBLICS VISES

· Vulgarisation de la philosophie au titre du développement culturel de la population fresnoise ;

· Aide à la formation des élèves de terminale des lycées, des étudiants des

es préparatoires et des étudiants dans les différentes disciplines du premier cycle universitaire ;

· Aide à la formation permanente des adultes (préparation aux concours, études de culture générale des formations continues).

RAYONS CONNEXES

· Littérature (Philologie et philosophie du langage)

· Religion

· Art (esthétique)

· Sciences (épistémologie)

· Psychologie et psychanalyse

· Sociologie

ENVIRONNEMENT SPECIFIQUE

· classe de philosophie et classe préparatoires du lycée Mistral                                                                       

 

OBJECTIFS DE DEVELOPPEMENT

·      Combler les lacunes afin de constituer un fonds cohérent de niveau 3 d'études philosophiques (corpus et études critiques)  ;

·      Systématiser les éditions bilingues pour les textes philosophiques anciens grecs et latins, acquérir les versions originales des oeuvres clefs anglaises et allemandes ;

·      Prendre en compte l'offre documentaire en ligne par l'établissement d'accès définis aux sites INTERNET ;

·      Etablir des modalités d'accès aux périodiques sous forme imprimés ou en ligne.

Codes  Conspectus CL AC GL PC

12 Généralités

Acquérir la totalité des dictionnaires et histoires de référence. Acquérir en nombre d'exemplaires suffisant les meilleurs titres de manuel et de guides de vulgarisation destinés aux étudiants de classes de philosophie des lycées et des étudiant de premier cycle.

12+  DIDA Guides, dictionnaires, manuels utiles à une approche didactique ou autodidacte du domaine

1bP

1bP

3aP

2

12+ H  Histoire générale de la philosophie

1bP

1bP

3aS

2

12+ THEM   Ouvrages sur des thèmes philosophiques précis

1aP

1aP

2bP

2

12+  Corpus (oeuvres et oeuvres critiques) :  profondeur par période

Compléter la première année le corpus des oeuvres de façon à atteindre un niveau largement représentatif des évolutions de la pensée philosophique, ainsi que par l'acquisition des principales oeuvres orientales. Compléter les deux années suivantes par l'acquisition des principales oeuvres critiques. Renouveler par acquisition et désherbage l'actualité des débats de société abordés à connotation philosophique.

12+1      Philosophie ancienne

1bS

2aS

3aW

2

12+ 2     Philosophie médiévale

1aP

1bS

2bS

2

12+3      Philosophie moderne (16ème-18ème )

2aP

2bP

3aS

2

12+4     Philosophie contemporaine  ( 19ème)

2aP

2aP

3aS

2

121       Philosophie orientale

1aP

1aP

1aP

2

123       Polémiques et débats contemporains

1aP

1aP

1aP

1

 

 

tableau de bord philosophie

12 Philosophie

Responsable :

Date d'émission : 14/03/2000

Budget : 21 000 F

Engagé ou facturé :

Exemplaires acquis :  198

·       coût moyen prévu : 106,06 F

·       coût moyen constaté : 0,00 F

·       écart en F. – 106,06

·       écart en % - 100 %

Sujet

Nb. titres

Nb. exemplaires

Emprunteurs

Rotation

Âge

.

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

2001

2000

12+1 Ant.

116

-

134

-

12

-

11,19%

-

7

12+ 2 Méd.

23

-

24

-

1

-

4,17%

-

4,3

12+3 Mod.

144

-

165

-

21

-

20,00%

-

8

12+4 Comp.

352

-

400

-

27

-

12,75%

-

9,4

121 Orient.

18

-

18

-

3

-

16,67%

-

12

123 Divers

100

-

107

-

13

-

19,63%

-

12

 

QUELS SONT LES PROBLEMES RENCONTRES ?

L’emploi du conspectus comme outil de développement partagé suppose de pouvoir se référer à une identification commune des accès et à une segmentation identique.

· Harmonisation des accès :

Les bibliothèques contrôlent leurs accès par des index locaux. Même si ces index s’inspirent de vedettes issues de listes d’autorité, ils ne se réfèrent pas à un fichier d’autorité commun, ce qui laisse subsister une grande capacité des accès.

· Harmonisation de la segmentation

Les réservoirs bibliographiques des bibliothèques françaises sont hétérogènes et, de plus, aucune agence bibliographique ne fournit une indexation cohérente susceptible de fournir une segmentation commune.

QUELS PEUVENT ETRE NOS OBJECTIFS OPERATIONNELS ET A COURT TERME ?

· Elargir et structurer le groupe de travail Conspectus de POLDOC.

· Généraliser son emploi par le plus grand nombre de bibliothèques publiques, universitaires et spécialisées françaises.

· Assurer le lien avec le WLN/Conspectus.

· Définir des outils d’évaluation qualitatifs et financiers pour la définition la plus précise possible des différents niveaux du conspectus (nombre de titres, lites type, etc.).

· Explorer les conditions et la possibilité d’une segmentation commune (coopérative entre les partenaires de POLDOC/Conspectus, nationale, européenne à partir de PICA ?).

· Offrir aux bibliothèques françaises la possibilité d’intégrer les tableaux de bord relatifs à la gestion du développement des collections (codes Conspectus) et à l’évaluation de leur impact (données financières et indicateurs d’état et d’usage) en collaboration avec le groupe de travail « Evaluer pour mieux gérer ».

 

QUELS PEUVENT ETRE NOS OBJECTIFS GENERAUX A MOYEN ET A LONG TERME ?

· Démontrer que les bibliothèques sont en mesure de développer un savoir-faire propre à répondre à des besoins (c’est-à-dire à des nécessités d’intérêt public) et non réduire leur activité à répondre à des demandes (par exemple de ne répondre qu’à une fonction de loisirs).

· Sensibiliser les pouvoirs publics à l’idée et à la nécessité d’une politique nationale des bibliothèques et des centres documentaires et faire émerger des propositions techniques et institutionnelles.


[1] De conspicere lui-même formé à parti de cum (avec) et de spicere (voir).

[2]  Les indications entre parenthèses reposent une correspondance, qui ne peut être qu'approximative, avec les des niveaux scolaires et universitaires français. Les niveaux 3a et 3b sont parfois décrits comme répondant aux besoins de loisirs d'un public cultivé, ce qui pourrait être considéré dans les domaines qui ne requièrent pas un vocabulaire technique ou scientifique trop spécialisé comme un celui correspondant aux objectifs culturels d'une bibliothèque française d'une certaine importance. L'échelle peut en effet être pris en compte. Ainsi, le  manuel WLN propose t-il que la plupart des bibliothèques publiques à vocation purement locale développeront leurs collections aux niveaux 1 ou 2, une poignée de bibliothèques plus importantes à vocation régionale pourraient viser les niveaux 3 (ce critère dépend bien entendu de l'ambition du projet culturel) et un très petit nombre les niveaux 4 ou 5.

[3] Trad. de l’auteur, le texte original est le suivant : « The goal of any collection development organization must be to provide the library with a collection that meets the appropriate needs of its client population within the limits of its fiscal and personnel resources.  To reach this goal, each segment of the collection must be developed with an application of resources consistent with its relative importance to the mission of the library and the needs of its patrons » (Bryant, 1987)

 

  25 10 2000